En forte croissance depuis des années, le turnover est estimé à 23% au niveau mondial et à 15.1% en France [1]. Ce taux national semble se stabiliser (Etude INSEE 2021), ce qui est assez étonnant pour un contexte post Covid-19 et pour un marché du travail qui est impacté par les attentes et « pratiques » des millennials. Une étude de Deloitte révèle d’ailleurs que 66% des millennials sondés envisagent de quitter leur entreprise actuelle prochainement.
Plus généralement, une statistique nous interpelle: 36% des CDI sont rompus avant la date de 1er anniversaire [2] !Le turnover représente donc un indicateur stratégique pour les entreprises.
Faut-il encore le connaître, le calculer et le suivre régulièrement pour pouvoir en tirer les leçons et le maîtriser… Mais comment faire ?
1/ Le turnover, un casse-tête révélateur
Le turnover ou rotation du personnel représente le taux de renouvellement des effectifs d’une entreprise. Il désigne ainsi le pourcentage de départ par rapport aux entrées de personnel dans une entreprise.
Généralement calculé sur une année (mais il peut être transposable sur d’autres période données), le turnover se décompose ainsi :
[(Nombre de départs en T + Nombre d’arrivées en T)/2]/Effectif au 1er jour de T X 100 = turnover en %.
T = période donnée
Turnover & Secteurs d'Activité
Le turnover semble plutôt lié au secteur d’activité.
Parmi les secteurs connaissant les turnovers les plus bas, nous retrouvons le Transport, l’Associatif, le secteur Banque-Finance, les Médias …
A l’inverse, plusieurs secteurs sont particulièrement touchés par des turnovers supérieurs à la moyenne (et qui connaissent une hausse de 1 à 2% chaque année [3]) : Commerce, IT/High-Tech, Industrie, les services ou encore le BTP / Immobilier. Une hausse liée à la tension constatée sur le marché de l’emploi.
Les raisons de la hausse du turnover
Pour bien appréhender ces chiffres et surtout comprendre le turnover spécifique de votre entreprise, il faut différencier : le turnover voulu d’une entreprise (un renouvellement naturel ou stratégique de l’organisation et de la structuration des métiers et services) du turnover non voulu ou non maîtrisé. Il faut donc dissocier les départs involontaires des collaborateurs (décès, licenciement), les départs fonctionnels (retraite) … et les départs dysfonctionnels ou non maîtrisés. Ce turnover dysfonctionnel résulte principalement du mécontentement des collaborateurs dû à :
- Un manque de reconnaissance
- Un mauvais climat social interne
- Une inadéquation avec la direction ou le manager direct
- Un manque de perspective d’évolution
- Un manque de communication engendrant de l’incompréhension, de la frustration etc.
- Une mauvaise gestion des RH et/ou de l’organisation (rémunération trop basse par exemple)
- Un trop grand stress au travail.
Le renouvellement des effectifs est un élément naturel du cycle de vie de l’entreprise. Son augmentation ou sa diminution lorsqu’elles sont maîtrisées, sont peu, voire pas, déstabilisantes pour l’entreprise car intégrées dans la stratégie… Mais si le turnover est dysfonctionnel, les conséquences sont beaucoup plus impactantes !
Les impacts d’un turnover non voulu
Pour analyser son turnover, il faut donc comprendre d’où il provient, quelles en sont les causes pour ainsi y remédier. En calculant votre turnover, vous aurez une vision globale des mouvements de vos effectifs. En dissociant le turnover fonctionnel et dysfonctionnel, vous aurez aussi une vision précise de l’état de votre turnover. Cela permet d’établir des bases saines pour entrer dans la 2nd étape : l’analyse des chiffres obtenus.
2/ 10%, le seuil décisif à remettre dans son contexte !
Comment analyser et interpréter son turnover ? 10%, c’est le seuil le plus souvent utilisé pour analyser le taux de rotation du personnel [4].
Au-dessus de 10% : le turnover est considéré comme élevé. Ce résultat nécessite une profonde réflexion et analyse sur les raisons des départs pour y remédier.
Entre 5% et 10% : le turnover de votre entreprise montre un climat relativement sain et témoigne d’un dynamisme de renouvellement de vos effectifs nécessaire au maintien de la compétitivité.
En dessous de 5% : le turnover de la société est considéré comme faible. Toutefois, cela ne traduit pas forcément une bonne santé d’entreprise.
Le turnover, un indicateur précieux MAIS toujours à remettre dans un contexte précis d’entreprise !
Géraldine BOULHOL, Dirigeante de KOHERENCE, conseil en Management RH :
« Pour analyser son turnover, il est important de ne pas rester figé dans les chiffres obtenus mais de les remettre dans le contexte de l’entreprise. Il faut les mettre en corrélation avec l’organisation même de la société et sa politique RH… et des métiers concernés.
Les résultats des calculs et leur évolution dans votre propre entreprise doivent surtout vous inciter à réfléchir sur ce que vous qualifiez de turnover SAIN POUR votre organisation. C’est vous, Dirigeants, qui décrétez ce turnover sain ! Celui qui vous permet de favoriser l’innovation, le dynamisme, la compétitivité, la croissance etc…
Attention, un turnover sain n’est pas un turnover nul !
Celui-ci traduit plutôt un état d’immobilisme, un problème de vieillissement de l’organisation, un mauvais positionnement sur le marché ou un effet pervers de la fidélisation des collaborateurs. Cette dernière est essentielle pour une entreprise mais attention à ne pas les enfermer. Avec des rémunérations hors marché, des avantages excessifs (trop) nombreux (flexibilité hors normes des horaires, laxisme de management etc.), vos collaborateurs ne partiront pas de votre entreprise ; non pas par engagement mais parce qu’ils auront trop à perdre à partir !
Loin de créer un dynamisme et de l’innovation, cette immobilité apportera au contraire une résistance au changement et un renfermement sur soi … Tant pour les collaborateurs que pour l’entreprise !
Par exemple, il est plutôt normal d’avoir un turnover élevé dans la fonction commerciale : au bout de 4-5 ans, les commerciaux ont cette impression d’avoir « fait le tour » de leur métier… Les possibilités d’évolution n’étant pas forcément possibles ou souhaitables par lui (voulant rester commercial), son départ reste logique et parfois souhaité aussi (en termes d’organisation de la stratégie client). C’est ce qu’on appelle le cycle du collaborateur. [5]
Pour résumer, analyser son turnover, c’est prendre en compte :
- le contexte de l’entreprise et de son marché
- la structuration de l’organisation (les strates d’évolution, les définitions de poste, les apports et manques de compétence, la stratégie globale)
- les métiers au sein de l’entreprise et le cycle du collaborateur (apprentissage, en plénitude, saturation)…
Pour en tirer les enseignements nécessaires et mettre en place des actions ! »
3/ Les leviers pour réduire le turnover
Bien que l’analyse plus poussée prouve que chaque entreprise a ses propres spécificités, les raisons du turnover non maîtrisé restent principalement le mécontentement des collaborateurs. 4 grands leviers peuvent permettre de réduire le turnover en favorisant leur satisfaction :
1. Favoriser l’attractivité de l’entreprise :
C’est-à-dire proposer un cadre de vie au travail et un cadre de travail adéquats au collaborateur afin de lui permettre un épanouissement professionnel et favoriser son engagement (par exemple en optant pour des outils digitaux).
Établir une stratégie de Marque Employeur et de Marketing RH afin d’allier promesse et vécu. Cela évite les mauvaises surprises aux nouveaux collaborateurs et fidélise les salariés (ancien comme nouveau). Créer une adhésion à la culture et au projet d’entreprise développe un engagement réel et pérenne.
2. Favoriser la mobilité interne :
Pouvoir proposer une alternative à ses collaborateurs, leur permettre de grandir dans un environnement connu et apprécié et augmenter leurs compétences transverses développent leur attachement à leur employeur.
Les évolutions internes concernent, évidemment, les promotions internes mais peuvent être également faire partie d’évolutions transverses. Cela s’inscrit dans la politique GPEC et du management RH de l’entreprise.
3. Favoriser l’employabilité :
« On ne peut pas toujours proposer la mobilité interne à ses collaborateurs (organisation avec un périmètre restreint, strates hiérarchiques limitées, inadéquation des compétences nécessaires et potentielles) c’est pour cela qu’il faut être vigilant sur leur employabilité. Il est sain de former ses collaborateurs pour leur permettre de partir lorsque c’est le bon moment pour les deux parties.
L’employabilité n’est pas qu’un avantage pour les collaborateurs. La relation employé/employeur est une relation d’échange. Les collaborateurs apportent leurs compétences au service du projet d’entreprise. En contrepartie, cette dernière leur apporte tous les outils, dont elle dispose, pour leur permettre de partir sereinement. Ils resteront ainsi compétitifs sur le marché quand cette relation employé/employeur perdra de son équilibre. Cela permet d’actionner un renouvellement sain et voulu des effectifs. » Géraldine BOULHOL
4. Favoriser l’engagement des collaborateurs :
Plus la connaissance sur les attentes des collaborateurs est importante plus l’identification des moyens pour y répondre sera aisée. Vous pourrez ainsi mettre un plan d’actions pour développer l’engagement de vos collaborateurs. Les entretiens (d’intégration, hebdo, mensuel, annuel, de départ) sont une bonne manière de recueillir ses informations. Cela aide à établir les raisons du bien-être du salarié, à identifier les prémices du mal être et à connaître les raisons des départs.
Mettre en place une stratégie de cooptation permet également d’engager vos collaborateurs en les impliquant dans le recrutement (et les projets RH) et en leur prouvant votre confiance. Cela apporte également des nouveaux collaborateurs restants plus longtemps dans l’entreprise : grâce notamment à un processus d’onboarding et d’adhésion déjà amorcé. En effet, bien en amont de leur candidature, les candidats seront familiarisés à la culture et à l’organisation de l’entreprise, via le coopteur et son partage d’expérience collaborateur satisfaisante !
Bien connaître et suivre son turnover apporte des éléments clés pour une stratégie d’entreprise cohérente et pour identifier les zones de faiblesse (défaut d’attractivité, pyramide des âges déséquilibrée, politique de rémunération hors marché, problématiques organisationnelles etc.). Pour conclure, laissons la parole à Géraldine BOULHOL du cabinet Kohérence :« Le turnover est un puissant KPI de gestion des Ressources Humaines mais également un outil important pour le management des RH. En poussant son analyse, il permet de se structurer, d’anticiper les mouvements au sein de son entreprise, de se poser les bonnes questions sur le cycle de ses collaborateurs et de capitaliser sur son organisation future ! »
Sources :
[1] Selon l’étude « Preparing for take-off » du cabinet Hay Group
[2] Selon l’étude de DARES ANALYSE – 2015
[3] étude Emploi Cadre 2018 et Benchmark de la fonction RH 2023 par Convictions RH
[4] 365Talents
[5] Etude IAB France décembre 2018 : le cycle du collaborateur dans l’entreprise est estimé dans la majorité des cas entre 2 et 4 ans mais peut être plus court, 1 à 2 ans, ou plus long, 4 à 10 ans.
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